Il est normal de ne pas être en forme optimale 24 heures sur 24. Notre vigilance et nos performances varient en fonction de l’heure du jour et de la nuit. Si la majeure partie d’entre nous possède un chronotype intermédiaire et s’adapte bien à un rythme conventionnel, tout le monde n’a pas cette chance. Ceux qui sont franchement « du soir » cherchent en vain le sommeil s’ils s’astreignent à se coucher tôt pour partir à l’aube au travail. En vacances, ils se décaleront naturellement et, veillant tard, s’endormiront facilement. Ceux « du matin » seront incapables de fournir un effort intellectuel ou physique en soirée, s’assoupiront parfois dès 21 heures et se plaindront de réveils matinaux précoces.
Habituellement, les sujets « du matin » ont plus de facilité à s’adapter aux horaires scolaires et professionnels conventionnels qui imposent de se lever tôt. Ils sont donc moins souvent en privation de sommeil que ceux « du soir » qui, de leur côté, seront plus flexibles et s’adapteront mieux aux horaires décalés et au travail de nuit. Lorsque l’on sait qu’au cours du vieillissement, on devient plus matinal, on comprend que les capacités d’adaptation au travail posté diminuent avec l’âge.
Parfois, on observe que certaines personnes ont adapté leur mode de vie, voire leurs choix professionnels, à leur chronotype ; ainsi, les artistes exerçant dans le domaine du spectacle sont-ils souvent « du soir ».
Les symptômes d’insomnie ou de somnolence des couche-tard et des lève-tôt contrariés ne relèvent pas d’une maladie du sommeil, mais d’une désynchronisation entre l’horloge interne (qui régule le cycle veille/sommeil) et des horaires normatifs inadaptés (pour eux…).
Une bonne hygiène de sommeil peut suffire en général à réadapter son rythme. Mais parfois, l’état de désynchronisation est trop important, et de véritables troubles du sommeil peuvent s’installer. Ces situations peuvent être observées soit quand l’horloge interne n’est pas capable de s’adapter (trouble du rythme endogène, comme les avances ou retards de phase), soit quand ce sont les synchroniseurs externes qui donnent des informations confuses ou contradictoires (trouble du rythme exogène, comme le jet lag ou le travail posté).
Lorsque le chronotype atteint des extrêmes, du matin ou du soir, on parle d’avance ou de retard de phase. Dans ce dernier cas, le sommeil n’arrive souvent qu’après 3 heures du matin, quelle que soit l’heure du coucher. Mais une fois obtenu, il est normal et de bonne qualité, sans éveil jusqu’au lendemain matin… ou après-midi !
Si le dormeur s’astreint à un lever matinal, celui-ci sera difficile, avec souvent une ivresse de sommeil. Les causes de ce trouble ne sont pas totalement élucidées, mais une composante génétique est probable. Il cache aussi, parfois, une souffrance et des difficultés à affronter le monde au grand jour. Beaucoup plus rare que le retard de phase, le syndrome « d’avance de phase » se traduit par un endormissement et un réveil précoces, et donc une insomnie du petit matin.
Il arrive aussi que la période interne, « spontanée », au lieu d’être de 24 heures, soit allongée d’une ou deux heures, ce qui rend impossible une synchronisation quotidienne. Avec une période de 26 heures, par exemple, un sujet peut s’endormir facilement à 22 heures le premier soir, à minuit le second, à 2 heures le troisième… Cela signifie que des horaires « orthodoxes » ne sont adaptés que deux fois par mois !
Des situations de désynchronisation majeure peuvent être observées aussi chez les aveugles, chez lesquels l’information lumineuse fait défaut, alors qu’il s’agit d’un des synchroniseurs principaux de la production de mélatonine. Celle-ci est alors sécrétée de manière anarchique, non corrélée au rythme lumière/obscurité, et le rythme veille/sommeil se désynchronise.
Tout travail compris entre 21 heures et 6 heures du matin est considéré comme « de nuit ». Dans cette situation, les signaux internes (rythme de la température corporelle, sécrétions hormonales, etc.) sont discordants avec les synchroniseurs externes (nécessité de travailler la nuit et de dormir le jour), ce qui a pour conséquence un sommeil de moins bonne qualité et des troubles de la vigilance. En moyenne, les travailleurs postés dorment 1 à 2 heures de moins par jour que les travailleurs exclusivement diurnes.
Si les troubles du sommeil peuvent survenir à n'importe quel âge de la vie, chez les seniors, ils sont particulièrement fréquents. Pourquoi ? Tout d’abord parce que les cycles de sommeil d’une personne âgée évoluent et se transforment. Les phases de sommeil profond diminuent, tandis que les réveils intempestifs, eux, augmentent. Cela est principalement dû à des maux divers liés à l’âge, tels que l’envie plus fréquente d’uriner, par exemple, ou encore des douleurs en lien avec une arthrose.
L’anxiété et les angoisses en lien avec la vieillesse peuvent également entraîner des insomnies. Absence de perspectives, d’objectifs, peur de la perte d’autonomie, de la mort… Les raisons sont diverses et variées, mais les conséquences sur le sommeil ne doivent pas être prises à la légère. Seniors, ne tardez pas à consulter un spécialiste si vous en avez besoin, et pensez à souscrire une complémentaire santé senior adaptée pour prendre en charge vos dépenses de santé de manière optimale.
La lumière et la mélatonine sont les principaux synchroniseurs capables de modifier nos rythmes. La lumière administrée le soir retarde le sommeil, et la mélatonine prise le soir avance le sommeil.
Le soleil est le synchroniseur le plus efficace, mais les lampes de photo ou luminothérapie peuvent être utiles aussi. On considère qu’une exposition de 30 minutes à 10 000 lux est capable d’agir sur les rythmes.
En pratique, si l’exposition à la lumière solaire ne nécessite aucune prescription, il est conseillé de consulter dès lors que les troubles persistent ou perturbent le fonctionnement quotidien. Tenir un agenda de sommeil, sur plusieurs semaines, y compris durant les périodes de vacances permettra d’évaluer le rythme veille/sommeil.
D ’autres examens, comme un enregistrement actimétrique, peuvent être utiles. L’actimètre est un dispositif porté au poignet qui mesure l’activité motrice et donne des informations plus objectives sur le rythme repos/activité que l’agenda de sommeil. Le dosage biologique de la mélatonine (dans le sang, les urines ou la salive) donne aussi de bonnes indications.
En fonction des résultats, un protocole de resynchronisation personnalisé pourra être proposé, mais ce type de traitement est encore peu codifié.
Il s’agit d’une hormone produite par notre cerveau en réponse à l’alternance lumière/obscurité. Son rôle principal est celui de synchroniseur des rythmes biologiques. Elle favorise le sommeil, et a sans doute d’autres fonctions, notamment dans la régulation du système immunitaire. La mélatonine peut être synthétisée en laboratoire et être alors utilisée comme médicament pour aider la resynchronisation (dans le cadre du jet lag par exemple). Aux États-Unis et au Canada, la mélatonine de synthèse est en vente libre, et son utilisation dépasse largement le cadre du sommeil, puisque certains la considèrent comme une hormone anti-vieillissement ou anti-cancer…
En France, elle est disponible sur ordonnance sous forme de mélatonine retard (libération prolongée) indiquée dans l’insomnie après 55 ans, mais pas dans les troubles du rythme. Sous cette forme « retard », elle n’a pas un effet synchroniseur aussi marqué que la mélatonine à libération immédiate. Elle est aussi proposée dans certains compléments alimentaires, mais il y a peu de contrôle sur sa provenance et le dosage. Comme la mélatonine est une molécule naturelle simple à synthétiser et non brevetable, l’industrie pharmaceutique se tourne vers des analogues de la mélatonine qui sont en cours de développement… Il est important de savoir qu’en fonction de l’heure de prise, la mélatonine peut avoir des effets inverses sur le sommeil.
Source : Fondation APRIL, Santé et sommeil Une histoire à dormir debout (2014)