Selon une idée reçue, le stress ne serait associé qu’à des événements douloureux. Des chercheurs ont pourtant montré qu’il accompagnait aussi des moments heureux, mais bouleversants, comme un mariage ou une naissance !
Pour le comprendre, il faut se souvenir que le stress est un mécanisme d’ajustement qui se déclenche en fonction des perceptions que chacun se fait d’une situation. Il peut donc être présent à toutes les étapes de la vie, et pas seulement chez l’actif urbain à l’emploi du temps surchargé par sa vie professionnelle !
Tout stress maternel n’est pas nocif pour le foetus, expliquent les pédopsychiatres Luc Roegiers et Françoise Molénat, qui rappellent qu’il s’agit d’un phénomène d’adaptation naturel. De plus, le foetus en serait partiellement protégé. Des chercheurs de l’université d’Édimbourg, en Écosse, ont récemment découvert, dans le placenta et le cerveau du foetus, la présence d’une enzyme (la 11ß-HSD2) qui le préserverait en partie du cortisol de sa mère.
Toutefois, lorsqu’une future mère est fortement stressée, les glucocorticoïdes qu’elle secrète passent la barrière placentaire qui protège le foetus d’une partie des toxiques et des pathogènes. Le cortisol circule alors dans le sang du foetus, ce qui fragilise l’enfant et peut avoir un effet (réel mais limité) sur sa croissance et son comportement (hyperémotivité, troubles du sommeil, etc.).
L’école est un lieu de plaisirs et de craintes mêlés. L’enfant s’ouvre sur le monde mais, chez les petits, cette phase de socialisation est parfois facteur de stress important. Encore peu autonomes, ils sont très dépendants et focalisés sur leurs émotions. En maternelle et en primaire, le stress peut naître du sentiment que le maître ou la maîtresse ne les aime pas ! Difficile toutefois d’objectiver le stress des enfants.
Des formes d’expression psychosomatiques peuvent se manifester, comme de l’irritabilité, des troubles du sommeil, etc., mais il est malaisé de relier ces signes de stress à leur cause réelle, d’autant que les affects des parents jouent aussi leur rôle. C’est pourquoi, en 2005, l’Association des parents d’élèves de l’enseignement libre (Apel) a procédé à une étude sur la perception, par les parents, du stress de leurs enfants à l’école. 22 % d’entre eux estiment que leur enfant est stressé dès la maternelle. En cause, les relations avec les camarades – en particulier les moqueries, les rivalités, l’envie de s’intégrer – qui sont, avec 14 %, le premier facteur de stress à l’école, devant l’angoisse liée aux notes et à l’évaluation (12 %) et l’inadaptation du système aux besoins de l’enfant (12 %).
Plus tard, au collège et au lycée, la pression de l’excellence est davantage encore une occasion de stress (21 % et 22 %). Mais tous les élèves ne réagissent pas de la même façon.
Certains parviennent à répondre à la demande et s’adaptent aux attentes du système scolaire. D’autres vivent cette expérience comme une souffrance. En situation de fort stress, ils peuvent développer des troubles du sommeil et de la concentration, des maux de ventre, qui peuvent aller jusqu’à la phobie scolaire. Selon les données françaises de l’enquête internationale Health Behaviour in School-aged Children (HBSC), 21,4 % des élèves de collège déclaraient éprouver, en 2010, « assez » ou « beaucoup » de stress à cause du travail scolaire (Godeau, Navarro, Arnaud, dir., 2012). En cause également, la pression exercée par les parents pour que leurs enfants décrochent de bonnes notes et intègrent les meilleurs établissements. Les psychologues Serge Lacoste, Sylvie Esparbès-Pistre et Pierre Tap, qui se sont intéressés aux élèves de 12 à 20 ans, retiennent que pour ces jeunes, le doute est un facteur important de stress. Il se traduit par le sentiment de ne pas être sûr de pouvoir répondre à la demande des parents, des professeurs et, plus largement, du système scolaire.
Dans le contexte particulier du travail, le stress a progressivement fait l’objet de l’attention croissante des chercheurs – psychologues et sociologues, notamment –, et du monde de l’entreprise, avant de s’imposer dans le débat public.
La plupart des études s’accordent à définir le stress professionnel comme un déséquilibre. Pour certains sociologues, ce déséquilibre réside dans l’écart entre la demande professionnelle et la récompense – qu’elle soit symbolique, sociale, financière, etc. Pour d’autres, il tient à la différence entre une demande psychologique forte et une latitude décisionnelle faible. Et il serait aggravé lorsque l’individu ne bénéficie que d’un faible soutien social dans l’entreprise ou en dehors. Les observations plus récentes de la neurobiologie vont dans le même sens et évoquent le « pouvoir d’agir » qui protègerait du stress.
Si le travail peut être stressant, ne pas en avoir l’est aussi. En réalité, c’est moins le travail qui est en cause que les conditions dans lesquelles il est exercé et, pour ceux qui n’en ont pas, la nécessité d’en trouver. Faire face aux obligations de la vie de tous les jours sans emploi est de fait une source de stress importante qui explique que le chômage compte parmi les facteurs de stress chronique (Mouzé-Amady, 2014).
De même, la retraite peut amener un stress important. Dans ce cas, c’est l’ajustement de l’individu à son nouveau statut qui peut être source de difficulté. Il lui faut faire coïncider sa représentation sociale avec la réalité qu’il vit désormais. Sur l’échelle de Holmes et Rahe (voir page 25), la mise à la retraite arrive même en 10e position des événements auxquels il est difficile « de s’ajuster » !
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la retraite n’est pas toujours source de bien-être et d’apaisement. Chez les plus âgés dont l’activité professionnelle vient tout juste de s’arrêter, le stress et l’anxiété ne sont pas rares.
Souvent habitués à travailler depuis leur plus jeune âge, cette nouvelle vie sans repères peut être angoissante pour eux, et mener à des problèmes de santé mentale, tels que la dépression. D’autres éléments entrent en ligne de compte, comme l’isolement, le sentiment perte de sens de l’existence, ou tout simplement les angoisses existentielles liées au vieillissement. Ces éléments ne sont pas à prendre à la légère et doivent, si possible, être anticipés.
Urgentiste, trader, aiguilleur du ciel… Certains métiers paraissent particulièrement exposés au stress ! La psychosociologue Nicole Aubert cite une étude d’Aéroports de Paris selon laquelle les contrôleurs aériens, bien qu’exposés à des stresseurs importants, ne manifestent que très peu de signes pathologiques de stress. De manière contre-intuitive, l’enquête Sumer 2003 établit, elle, que les plus stressés sont les ouvriers non qualififés des industries de process (40 %), du textile et du cuir (39 %), les opérateurs informatique (39 %) et les caissiers et employés de libre service (36 %). Quant aux agents de la fonction publique, ils vivent également des situations de stress croissantes, notamment depuis la mise en place de la révision générale des politiques publiques (RGPP) de 2007. Ils souffrent à la fois d’une mauvaise image dans le public, associée à une réorganisation forte de leurs conditions et modes de travail, qui se heurtent parfois à leurs valeurs et conception du service public (Volkoff, 2013).
Source : Fondation APRIL, Santé, Des Stress et moi (2015)