Les adolescents ont une tendance naturelle à décaler leurs heures de coucher et de lever. L’heure moyenne d’endormissement passe, entre 10 et 13 ans, de 21 heures 30 à 22 heures 30. Le bouleversement biologique qui accompagne la puberté explique en partie ce décalage : le sommeil est plus léger, les endormissements plus difficiles. À l’adolescence, l’horloge circadienne serait transitoirement plus longue, donc plus difficile à ajuster sur un rythme de 24 heures. Une plus grande période d’éveil serait aussi nécessaire pour favoriser l’endormissement. On évoque aussi une sensibilité réduite à la lumière le matin, et qui serait accrue en soirée, ce qui retarderait l’endormissement.
La tendance à se coucher tard ne doit pas tout à la biologie. Il y a le groupe d’amis qui propose des sorties, un goût qui s’affirme pour les expériences nouvelles (tabac, alcool, boissons énergisantes), et aussi pour les activités stimulantes de fin de soirée : jeux vidéo, navigation sur Internet, conversations téléphoniques ou chat avec les copains. Les adolescents ont parfois l’impression que le sommeil est une perte de temps.
Les couchers trop tardifs peuvent aussi être générés par une pression scolaire trop importante ou par de trop nombreuses activités extrascolaires. Les entraînements sportifs sont fréquemment programmés entre l’heure de la sortie du collège ou du lycée et le repas du soir. Cette hyperactivité physique ou intellectuelle en fin d’après-midi ou en soirée peut entraîner une excitation anormale et perturber le sommeil.
Et, bien sûr, les transformations corporelles, les préoccupations sentimentales et sexuelles, les relations parfois tendues avec les parents génèrent des doutes, des remises en question et du stress qui peuvent rendre l’endormissement difficile.
En semaine, se coucher tard réduit le temps de sommeil nocturne. La dette de sommeil est de plus de deux heures par jour chez 40 % des 15 ans. Les conséquences sont inévitables : 42 % des adolescents se plaignent d’être somnolents dans la journée, la plupart sont très peu attentifs entre 8 et 10 heures du matin. La mauvaise solution est alors de boire des boissons stimulantes et/ou de fumer, ce qui aggrave les difficultés d’endormissement. Il arrive que la dépendance aux excitants et parfois aux drogues commence ainsi. D’autres prendront des somnifères, au risque d’aggraver leur somnolence la journée.
Plus naturelles, mais pas plus efficaces, la sieste de rattrapage en fin d’après-midi et les grasses matinées le week-end et pendant les vacances. Cela risque d’accentuer, chez certains, les difficultés d’endormissement le soir et d’aggraver le décalage.
La tendance normale de l’adolescent à décaler son sommeil peut conduire à un syndrome de retard de phase, c’est-à-dire une incapacité à s’endormir et à s’éveiller à des heures socialement acceptables. 7 % des adolescents en sont atteints, contre moins de 1 % de la population adulte. Le sommeil est bon, mais commence entre 1 heure et 6 heures du matin. La privation de sommeil est majeure si l’adolescent doit se lever à 7 heures du matin. Il va donc essayer de compenser ce manque de sommeil par des levers très tardifs pendant le week-end, ce qui va encore accentuer le décalage.
Le syndrome de retard de phase est plus fréquent chez les adolescents couche-tard, anormalement anxieux, ou dépressifs. Une prédisposition familiale est retrouvée dans environ 40 % des cas. Il arrive que cette tendance témoigne d’une véritable difficulté avec l’école ou de relation avec sa famille ou les autres jeunes. Et 40 % des enfants présentant un refus scolaire ont un trouble du rythme circadien.
La grasse matinée du week-end peut, chez certains adolescents, compenser le manque de sommeil.
Si les levers pendant la semaine ne sont pas trop pénibles, laissez-le faire. En revanche, si votre enfant devient incapable de s’endormir pendant la semaine avant minuit ou une heure du matin, s’il est très somnolent le matin, et si ses résultats scolaires fléchissent, ce rattrapage n’est pas la solution. Essayez d’éviter les couchers très tardifs et surtout les levers après 9 heures pendant les week-ends et les vacances. Poussez-le à déjeuner au saut du lit, et surtout à être actif physiquement (vélo, roller, marche) en extérieur et à la lumière du jour…
Si le décalage n’est pas trop important, une chronothérapie suffit souvent à « remettre les horloges à l’heure ». La chronothérapie par « avance progressive de phase » consiste à avancer progressivement l’heure du réveil pendant les vacances et les jours non scolaires et à demander à l’adolescent de déjeuner et d’être actif de plus en plus tôt. Il devra, par exemple, avancer son réveil-matin de 15 minutes tous les jours ou tous les 2 jours, jusqu’à arriver à une heure de réveil peu différente de celle des jours scolaires.
Il lui est demandé, dans un premier temps, de se coucher à l’heure où il est habituellement endormi, puis d’avancer progressivement son heure de coucher jusqu’à arriver à une heure qui lui permettra d’avoir suffisamment de temps de sommeil les jours scolaires.
Il est possible de faciliter encore plus l’endormissement en évitant le soir toute lumière vive, en lui conseillant de porter, en fin d’après-midi, des lunettes de soleil pour « assombrir » les signaux donnés par la lumière aux horloges cérébrales. Et de limiter son exposition aux écrans dans l’heure qui précède le coucher. Cette chronothérapie est aussi précieuse pour pallier les décalages des rythmes du sommeil dus aux vacances d’été. Dans ce cas, elle doit débuter dans les 10 à 15 jours précédant la rentrée scolaire.
si le décalage de phase est majeur avec un sommeil décalé de plus de trois heures et des endormissements très tardifs, après deux heures du matin, si votre adolescent n’a pas du tout l’intention de renoncer au décalage de ses horaires de sommeil ;
si vous n’êtes pas arrivé à le convaincre de changer de mode de vie ;
si les répercussions sur ses résultats scolaires sont importantes ;
si son caractère a changé ;
s’il se désintéresse de tout ce qui le motivait auparavant… Il est important de passer la main, de consulter.
Son médecin traitant qui le connaît sera plus à même que vous de le convaincre de l’importance d’être pris en charge et de le soutenir, s’il accepte quelques aménagements dans son mode de vie. Il pourra, plus facilement que vous, l’amener à consulter un spécialiste du sommeil.
Source : Fondation APRIL, Santé et sommeil Une histoire à dormir debout (2014)