• Publié le 01/08/2022
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Esprit et corps : une opposition contestée

Devenue une science expérimentale, objectivable, la médecine a tourné le dos à ce qui faisait « l’art médical » avec ses pratiques empiriques. Le talent du médecin consistait à interpréter des signes, parmi lesquels bien sûr ceux du corps, les symptômes, mais aussi ceux de l’environnement que ce soit le cosmos, le climat ou bien d’autres données considérées comme significatives. Ce mouvement profond a conduit à découper l’organisme en tranches, les organes ou systèmes biologiques devenant l’objet de médecins spécialistes de plus en plus experts.

Des médecines combattues, mais pas disparues

L’évolution historique vers une médecine qui considère davantage la maladie que le malade masque la réalité sur la façon dont on se soigne. La médecine « conventionnelle » a mis longtemps à gagner le monopole de la santé. Preuve que le combat n’était pas gagné d’avance contre les « charlatans », il a fallu légiférer souvent contre eux, jusqu’à condamner encore en France, en 2001, un acupuncteur pour exercice illégal de la médecine.

Pour mémoire :

  • La loi du 10 mars 1803 a pour but de mettre fin au charlatanisme et institue la notion d’exercice illégal de la médecine, elle s’applique en particulier pour les religieuses et les prêtres.

  • La loi dite « Bourdarel » revient sur le même sujet

  • Le 30 novembre 1892 à propos de l’exercice de la médecine. Elle est due à un disciple de Louis Pasteur, Paul Bourdarel, grand hygiéniste et pourfendeur des charlatans.

  • Aujourd’hui, l’exercice illégal de la médecine est réprimé dans le Code de la santé publique, il est constitué lorsqu’une personne non titulaire d’un diplôme médical établit un diagnostic et /ou préconise ou applique un traitement et laisse croire en une guérison. Il est puni de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.

Une aspiration commune : la globalité

Le recours à des médecines parallèles ne s’est jamais démenti. En dehors de tout jugement de valeur, la quête d’une approche globale est probablement ce qui les rapproche toutes, qu’elles soient issues de traditions occidentales ou orientales, ou encore des inventions récentes. On s’intéresse à la globalité du corps et souvent en lien avec l’esprit, même si les origines, les principes, et les pratiques sont extraordinairement différentes. Pour prendre quelques exemples :

  • Les praticiens de l’hypnose s’attachent à traiter les addictions, phobies, troubles de l’attention, anxiété, douleur, à partir du terrain qui est composé de la « totalité du patient », son corps anatomique, ses croyances, ses sensations, son passé.

  • L’acupuncture, branche de la médecine traditionnelle chinoise, vise à rééquilibrer « l’énergie qui alimente l’ensemble de notre organisme ».

  • La sophrologie utilise des exercices de respiration, de concentration, de détente musculaire et de visualisation mentale pour développer toutes les ressources positives en soi, comme la confiance, l’estime, le lâcher prise. Elle apprend à gérer son stress et ses émotions. Le but es t de rétablir l’« harmonie entre le corps et l’esprit ».

  • La réflexologie part également de l’idée d’un « tout du corps résumé dans une partie » : main, pied ou oreille. Par une digiponcture, la réflexologie plantaire agit sur le stress, la circulation sanguine et tous les organes pour que le corps retrouve son équilibre.

  • Dans l’auriculothérapie, on considère que l’oreille, qui ressemble à un foetus inversé, est un « miroir de tous les organes, une totalité » qui devient accessible au praticien ; celui-ci stimule certaines zones avec des aiguilles.

  • Les ostéopathes qui traitent en particulier les douleurs articulaires, visent la restauration des rapports harmonieux entre les articulations en cherchant la cause d’un trouble local dans l’« ensemble du squelette et de la posture » de l’individu.

  • L’homéopathie s’affirme comme un « traitement de l’homme malade dans sa globalité » et non de la maladie, raison pour laquelle une même maladie est traitée différemment chez deux malades.

Un autre regard

Depuis la fin du XXe siècle, la médecine conventionnelle a abandonné sa guerre contre ceux qui étaient traités de « charlatans ». Les médecines complémentaires ont été progressivement accueillies à l’hôpital et plus récemment dans ses enseignements universitaires. L’Ordre des médecins a reconnu l’homéopathie, l’acupuncture, la mésothérapie et l’ostéopathie. Cette évolution française est en accord avec les recommandations de l’OMS qui a adopté une première résolution en 2009 puis rédigé une « stratégie pour la médecine traditionnelle 2002-2005 », révisée « pour 2014-2023 ». En France, 1/5e des 6 115 praticiens d’une médecine traditionnelle ou complémentaire exercent à l’hôpital.

L’OMS constate que le phénomène est mondial : les médecines traditionnelles et complémentaires sont une part importante, dynamique et en extension des soins de santé dans l’ensemble des États membres. Cette organisation propose d’ailleurs de développer des politiques publiques qui intègrent ces médecines aux systèmes de santé pour en promouvoir la qualité et pour faire face à l’explosion attendue des maladies chroniques dans la mesure où les médecines non conventionnelles sont généralement accessibles et peu onéreuses.

Quand l’expérience vécue devient visible

En s’intéressant exclusivement à ce qui peut être mesuré, les sciences occidentales ont exclu ce qui est de l’ordre de l’expérience vécue individuelle. En médecine, on est passé de la sensation du chaud dont on pouvait parler au médecin, à la mesure de la température, par exemple. Les sensations, mais aussi les émotions, les pensées, la façon dont chacun vit les événements qui se produisent sont sortis du cadre, puisqu’on ne pouvait ni les mesurer, ni les enregistrer.

« La physique contemporaine, qui a bousculé le dogme de la séparation entre le sujet et l’objet, a ouvert la voie à des questionnements qu’ignorait la science expérimentale. Puis tout a changé avec l’IRM fonctionnelle, qui pour la première fois, a donné la possibilité d’objectiver l’expérience vécue elle-même explique Jean-Gérard Bloch, rhumatologue et spécialiste de la méditation de pleine conscience. Cet outil rend visibles des champs d’expérience intérieure. Un retour sur soi-même, qui permet de réintégrer l’expérience vécue dans le champ de l’objectivable. Et donne une chance nouvelle à la méditation, que l’on peut définir comme une science de l’expérience vécue. »

Source : Fondation APRIL, Santé, En quête d’équilibre (2018)

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